Archives de la catégorie patrimoine

Axolotl, salamandrine et autre rareté amphibienne

Un déclin général des populations d’Amphibiens se manifeste dans le monde entier. Par leur mode de vie ces animaux sont exposés aussi bien à la pollution de l’air qu’à la pollution des eaux. Leur déclin est attribué à la destruction de leurs habitats, à l’introduction de prédateurs tels que des poissons ou d’autres Amphibiens dans des régions où ils n’existaient pas, aux pesticides, aux pluies acides, à l’augmentation du rayonnement ultraviolet, à l’élévation de température due à l’effet de serre, ou bien à un effet synergique de toutes ces causes. Ambystoma tigrinum des Montagnes Rocheuses décline en raison de l’acidification des eaux de même que le crapaud Bufo calamita dans les îles Britanniques.

Cette citation extraite d’un ouvrage de Blaustein et Wake sur le déclin des populations d’amphibiens date de 1990 et on la trouve rapportée dans le Précis d’écologie paru chez Dunod en 2003. Certes, les deux espèces citées n’ont pas complètement disparu si l’on se réfère à la Liste rouge des animaux ou végétaux en danger d’extinction. Mais en matière d’écologie, il faut avoir une vision à plus long terme et aussi considérer l’évolution des populations vivantes à l’échelle du globe. Quoi de mieux pour relativiser que de se pencher sur les enseignements du passé en examinant les catalogues biologiques des siècles précédents… L’inventaire de notre fonds ancien m’a fait découvrir récemment une somme importante de fascicules du dix-neuvième siècle, regroupés sous le titre Mission scientifique au Mexique et dans l’Amérique centralen°G32 bis de notre fonds ancien – dans lesquels apparaissaient de magnifiques planches d’animaux, dont celles qui illustrent cet article.

Dans la citation donnée plus haut, il est question d’un Ambystoma tigrinum pour lequel les nouvelles sont aujourd’hui meilleures d’après les informations de la Liste rouge des espèces menacées. Mais si l’on cherche dans la même liste Ambystoma mexicanum qui correspond à l’animal représenté sur la première gravure de cet article, on voit que la population de ces axolotls est très menacée. Étrange nom pour un amphibien étonnant qui est capable de se reproduire alors qu’il est encore sous une forme larvaire. Cette surprenante capacité appelée néoténie n’est pas unique dans le monde animal, mais l’axolotl reste encore l’exemple type de cette propriété biologique. La néoténie n’est pas irréversible et on a pu observer, en élevage, la métamorphose d’axolotls, ce qui rend ce petit amphibien encore plus intéressant…

Dans l’ouvrage Mission scientifique au Mexique et dans l’Amérique centrale, on trouve d’autres « salamandrines » – c’est ainsi qu’on les appelait à l’époque. Pseudoeurycea Bellii, autrefois appelé Spelerpes Bellii – que l’on voit ci-contre – fait aujourd’hui partie des espèces en danger, tout comme la magnifique grenouille multicolore, Agalychnis moreletii, dont l’ancien nom était Hyla moreleti et dont nous donnons ici une illustration tirée de notre ouvrage du fonds ancien. Pour certaines espèces étonnantes, je n’ai pu trouver le nom actuel. Peut-être ces amphibiens ont-ils déjà disparu ? En avril 2000, dans la revue Terre sauvage, Olivier Milhomme soulignait un fait important :

Pour Anne-Marie Olher, du Muséum national d’histoire naturelle, la moitié seulement des espèces d’amphibiens a été décrite. Dans le monde, deux cents espèces connues sont portées disparues depuis quinze ans. Plus grave, d’autres, inconnues, le resteront à jamais. « On les découvre moins vite qu’elles ne disparaissent », regrette cette spécialiste.

Depuis l’écriture de cet article, la situation de ces invertébrés ne s’est guère arrangée. Sur les 6000 espèces d’amphibiens connues une sur trois serait menacée d’extinction pour de multiples raisons. Au milieu de tous les problèmes environnementaux soulevés régulièrement par des sommets internationaux, que représente la disparition annoncée de petits animaux assez lointains des hommes en matière d’évolution ? Et pourtant… Les amphibiens sont des carnivores de niveau 1 dans les pyramides écologiques, avant les reptiles et les rapaces. Mais la suppression d’un seul maillon de cette chaîne peut avoir des conséquences immenses sur l’ensemble des écosystèmes. Imaginez une pyramide de cubes dont on enlève une strate de base… Cette comparaison, bien que simpliste a l’avantage de parler à tous.

Le déclin des amphibiens est inquiétant pour plusieurs raisons. La première, c’est que beaucoup d’espèces […] ont décliné dans des habitats primaires bien protégés. Si les espèces disparaissent dans ces régions, c’est de mauvais augure pour notre capacité à préserver la diversité biologique globale. […] on peut comparer les amphibiens aux canaris, autrefois utilisés dans les mines de charbon pour détecter des problèmes de qualité de l’air : si les canaris mouraient, les mineurs savaient qu’il fallait s’en aller.

Ce texte est extrait d’un ouvrage de référence, Biologie, collectif réédité de nombreuses fois chez De Boecke et dont nous possédons la version de 2007. En juin 2012 s’est tenu à Rio le quatrième « sommet de la Terre », une rencontre importante qui, comme la montagne de la fable, n’a accouché que d’une souris. Que dire alors des amphibiens en particulier ? Ne restera-t-il un jour de certaines espèces que de magnifiques gravures dans des livres anciens ?

Alya-Dyn

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Animal de légende, la sirène…

Les poetes feignent qu’il y a des Nereides filles de Nerée é Doris, nonobstant Pline estime que ce n’est du tout fable. Elles ont, dit-il, le corps tout aspre d’ecailles, la face humaine. On en a veu autrefois sur la plage, on en a oui les plaints d’une mourante. On dit que on en a veu une en la Pomeranie en la ville de Edam, aiant face de femme é fort subjette à paillardise. J’ai oui dire, mais je ne le veux asseurer, qu’un Hespagnol marinier en a nourri une en un navire, laquelle en fin se jetta en mer, depuis ne fut jamais veüe.
[Les poètes laissent croire qu'il y a des Néréides filles de Nérée et Doris, bien que Pline estime que ce ne soit pas du tout une fable. Elles ont, dit-il le corps recouvert d'écailles rugueuses. On en a vu autrefois sur la plage, on a entendu les plaintes d'une mourante. On dit qu'on en a vu en Poméranie, dans la ville d'Edam, ayant face de femme et très encline à la luxure. J'ai entendu dire, mais ne veux l'assurer, qu'un marin espagnol en a nourri une sur son navire, laquelle finalement se jeta à la mer et ne fut jamais revue.]

On doit ce texte sur les Néréides à Guillaume Rondelet, dans L’histoire entière des poissons, Lyon : M. Bonhome, 1558 – n° 1477 de notre fonds ancien. L’orthographe et le sens de certains mots ayant beaucoup changé, j’ai utilisé le Dictionnaire du moyen français (1330-1500) pour vous donner une lecture plus contemporaine de ce texte. Bien sûr, les puristes pourront objecter que ce texte est de 1558 et n’est donc pas en corrélation parfaite avec l’époque couverte par ce dictionnaire, mais on peut s’autoriser une telle approximation pour ces quelques lignes…
Ce que Guillaume Rondelet appelait Néréides correspond à ces femmes à queue de poisson, nommées sirènes (seirèn) par Homère dans L’Odyssée. Ces créatures marines, sources d’inspiration pour les poètes, les romanciers, les peintres et tant d’autres créateurs alimentent encore l’imaginaire collectif. Sirènes tentatrices qui détournent les marins de leur but par leur chant envoûtant, Lorelei perchée sur son rocher qui provoquait la perte des bateaux dans les courants du Rhin. Les références artistiques ne manquent pas…

À partir du haut Moyen Âge, c’est à une créature marine, dangereusement séduisante mais impossible à capturer, que s’applique désormais, dans la plupart des cas le terme « sirène ». Simultanément, cette dernière devient, sous la plume des théologiens médiévaux, le symbole du péché de luxure qui conduit en enfer… […] Il existe heureusement, de la fée Mélusine à la petite sirène de Copenhague – et à leurs sœurs qui décorent, un peu partout dans le monde, bateaux de pêche et bars à matelots – une variante plus truculente, en tout cas plus gracieuse et assurément moins redoutable, de l’animal en question […]

Voici ce qu’on peut lire dans le livre Animaux étranges et fabuleux, d’Ariane et Christian Delacampagne. On découvre dans cet ouvrage nombre d’illustrations sur les animaux de légende tels que les artistes les voient. Difficile de citer ici les multiples œuvres que les sirènes ont fait naître. On ne peut bien sûr passer sous silence le poème de Heine Die Lorelei que des générations d’étudiants germanophones ont récité. Encore aujourd’hui, les premiers vers trottent dans ma tête :

Ich weiß nicht was soll es bedeuten,
Daß ich so traurig bin ;
Ein Märchen aus alten Zeiten,
Das kommt mir nicht aus dem Sinn.

Je ne sais dire d’où me vient
La tristesse que je ressens.
Un conte des siècles anciens
Hante mon esprit et mes sens.

Cette sirène qui inspira Heinrich Heine ne cessa d’alimenter les rêveries poétiques d’Apollinaire, de Gérard de Nerval ou, de façon plus contemporaine, du chanteur Hubert-Félix Thiefaine. Peu importe en somme la façon dont s’expriment les images fabuleuses dont se nourrit notre esprit. Ce qui compte, c’est de laisser vagabonder notre inconscient pour sortir des carcans toujours plus nombreux de nos sociétés rigides…

Alya-Dyn

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Le bestiaire des élèves

Dans ce blog, il fut déjà question des bestiaires médiévaux aux créatures hautement improbables, hybrides étonnants dont les illustrations se trouvent dans notre fonds ancien. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’en reparler tant le sujet est riche. Pour le moment, je souhaite vous faire découvrir le fantastique travail réalisé par les élèves d’une classe de 5ème du collège Salinis, guidés par leur enseignante. Avec le même entrain qu’ils avaient eu pour aborder une randonnée d’écriture en septembre 2011, ils se sont attaqués à un autre défi : créer leur bestiaire à la manière de ceux du Moyen-Age. Nous les avons donc reçus au cœur de la bibliothèque, pour une visite de nos fonds patrimoniaux. Voici les titres des ouvrages des seizième et dix-septième siècles dont ils ont pu admirer les illustrations ou les marques typographiques :

Guillaume Rondelet : L’histoire entière des poissons. Lyon : M. Bonhome, 1558. Fonds ancien n°1477

Ulisse Aldrovandi : De piscibus libri V et de cetis lib. Unus. Bologne : Bellagamba, 1613. Fonds ancien n°1899

Conrad Gesner : Historiae animalium. [3 vol.] Francfort : [T.1 Cambierian 1603, T.2 Jean Wechel 1585, T.3 1555]. Fonds ancien n°1916

Sante Pagnino : Hoc est, Thesaurus linguae sanctae… Lyon : Sébastien Gryphe, 1529. Fonds ancien n°3953

Giovanni Nanni : Antiquitatum variarum volumina XVII. Paris : Jehan Petit, 1515. Fonds ancien n°3979

Lorenzo Valla : Laurentii Valle de lingua latina… Paris : Jean Barbierri, 1509. Fonds ancien n°3981

Martyrologium sive Sanctorum Martyrum catalogus… Paris : Jacques Kerver, 1573. Fonds ancien n°4400

Barthélémy de Cologne : Dialogus mythologicus… Paris : Jean Laliseau, [1504]. [Troisième œuvre d'un recueil] Fonds ancien n°4407

Denys le Périégète : Dionysii Alexandrini opus de Situ orbis, cum commentariis Eustathii… Paris : Poncet le Preux, 1556. Fonds ancien n°4697

Athanase Kircher : Athanasii Kircheri… Arca Noë in tres libros digesta… Amsterdam : Johannes Janssonius, 1675. Fonds ancien n°4912

Olaus Magnus : Historia de gentibus septentrionalibus… Romae : [sans nom], 1555. Fonds ancien n°5871

Robert Gaguin : La mer des croniques et miroir hystorial de France… Paris : Pierre Gaudoul, [sans date]. Fonds ancien n°5885

De cette rencontre entre des élèves et des livres de notre patrimoine, un bestiaire contemporain a pris forme. Vous pouvez le découvrir et le feuilleter sur notre portail. Nul doute que leur travail unique saura vous conquérir…

Alya-Dyn

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Le Bucentaure de Venise

Comme je vous l’ai déjà dit, l’inventaire du fonds ancien, qui est parfois une tâche fastidieuse, procure certains jours un immense plaisir. Lorsque j’ai eu entre les mains l’Histoire du gouvernement de Venise, une des éditions du livre d’Abraham-Nicolas Amelot de la Houssaye – nous avons la chance d’en avoir deux : n°5803 et n°5753 de notre fonds ancien – j’ai déplié avec précaution les gravures, et la découverte de ces magnifiques illustrations m’a instantanément donné envie de vous faire partager ces émotions. Venise est pour tous un lieu de fascination, origine de tant de créations et de rêves… Cet ouvrage, où l’auteur expliquait et critiquait l’administration de la république de Venise valut pourtant beaucoup de soucis à son auteur : il fut même embastillé. Abraham-Nicolas Amelot de la Houssaye connaissait bien Venise où il fut secrétaire d’ambassade, mais la dureté de son style lui attira des ennemis.
Au-delà de ces controverses entre Amelot de la Houssaye et la république de Venise, l’édition de 1695 recèle ces magnifiques gravures et plus particulièrement celle dont vous pouvez voir ici un détail : il s’agit de la « Solemnité du Bucentaure qui se célèbre à Venise le jour de l’Ascension ». Pour moi, le terme de Bucentaure étant parfaitement inconnu, j’ai entamé des investigations pour pallier mon ignorance du sujet. Une nouvelle fois, La grande encyclopédie, dite de Berthelot, est venue répondre à mes premières questions, me proposant même un dessin de cette embarcation mythique – pour ceux qui n’ont pas la possibilité de venir feuilleter La grande encyclopédie dans la bibliothèque la plus proche, il en existe aussi une version numérique sur Gallica. On apprend ainsi que le Bucentaure était une « galère d’apparat sur laquelle les doges de Venise montaient au jour de l’Ascension pour célébrer leur mariage mystique avec la mer où ils jetaient un anneau nuptial ».
L’origine de cette cérémonie particulière se situe le 9 mai de l’an 1000 (jour de l’Ascension), lorsque le doge embarqua sur le vaisseau amiral pour aller libérer la Dalmatie, après deux années de lutte. C’est à la suite de cette victoire que fut instaurée la fête de la Senza qui prit sa forme définitive en 1176 ou 1177 (suivant les ouvrages, la date diffère quelque peu). La légende a enrichi le fait historique comme nous l’explique John Julius Norwich dans son Histoire de Venise :

D’après une tradition locale, le pape Alexandre donna […] une nouvelle signification sacramentelle à la liturgie célébrée en pleine mer, au large du Lido, depuis l’an 1000. D’office de supplication, il en aurait fait une cérémonie de mariage symbolique avec l’Adriatique. Effectivement, un tableau de Vicentino (que l’on trouve au-dessus de l’une des portes du mur nord de la Salle du Grand Conseil) montre Alexandre tendant au doge Ziani l’anneau que celui-ci jettera bientôt dans les flots. Hélas, cette hypothèse ne repose sur rien […]

Quoi qu’il en soit, cette célébration d’un mariage des doges avec la mer a pris toute la force des fêtes vénitiennes avec la construction du Bucentaure, sans doute en 1311 (voir ce qu’en dit L’histoire de Venise par la peinture). Ce magnifique bateau d’apparat tenait son nom d’un monstre à tête de bœuf qui figurait à la proue. Comme nous le révèle La grande encyclopédie, le dernier Bucentaure, construit de 1722 à 1729 fut détruit par les français en 1797. Triste fin pour un fascinant navire de légende lié à l’histoire de Venise et à son pouvoir sur la mer, qui inspira Canaletto et Francesco Guardi. Sans doute les hommes qui devaient actionner les rames du Bucentaure ont vu cette fin d’une autre façon. Reste aujourd’hui une fabuleuse histoire de la cité lacustre et de ses mystères que vous pouvez retrouver dans des livres bien réels sur les rayonnages de notre bibliothèque auscitaine…

Alya-Dyn

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Papillons au fil du temps

Au milieu du dix-neuvième siècle, paraissait le Dictionnaire universel d’histoire naturelle, sous la direction de Charles d’Orbigny. Cette œuvre importante – n°2758 de notre fonds ancien – contenait des planches si belles qu’elles furent rassemblées en 2007 pour une série de portraits d’animaux. Parmi ces magnifiques représentations, figurent des papillons que vous avez le plaisir de découvrir en regard de cet article. Si j’ai choisi de vous parler des lépidoptères, groupe d’environ 160 000 sur les 1,7 million d’espèces animales recensées, ce n’est pas pour une évocation lyrique d’insectes parés de splendeur, même si l’un des documents dont il sera question ici – Papillonnages, de Nicolas Witkowski – retrace dans ses pages Une histoire culturelle du papillon, superbement documentée et illustrée. Le sujet qui me préoccupe, c’est l’avenir de ces insectes soumis aux multiples attaques de nos sociétés et particulièrement les modifications climatiques. Bien sûr, objectera-t-on, quelle importance face à la multitude des problèmes environnementaux. Et pourtant…

Les animaux ont compris bien avant nous que le climat n’était plus le même. Depuis un siècle et demi et surtout depuis une trentaine d’années, un grand nombre d’espèces ont modifié leur utilisation de l’espace. […] Les entomologistes ont noté les mêmes mouvements [que pour d'autres espèces] chez des papillons et des insectes, qui migrent vers le nord (une dizaine de kilomètres par décennie) et éclosent plus tôt (deux ou trois jours de plus tous les dix ans.

Ces précisions sont données dans l’Atlas du réchauffement climatique, de Frédéric Denhez. On voit donc que les hommes ont mis beaucoup trop de temps à réagir à tous ces signes avant-coureurs de désordres majeurs. Les migrations des papillons ou des insectes semblent encore certainement dérisoires pour beaucoup d’entre nous, par rapport à des catastrophes écologiques majeures que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer dans ce blog. Et pourtant…

La niche écologique de chaque espèce est définie par des conditions assez strictes de température, de pluviométrie, de durée des saisons, de végétation ou de nourriture. Quand l’un de ces paramètres évolue, l’espèce s’adapte, si elle en a le temps et les capacités physiologiques. Sinon, elle cherche ailleurs une niche écologique identique et disparaît si sa quête reste vaine. Son créneau est alors libre pour une foule d’espèces peu spécialisées, opportunistes. Or, tout, dans la nature, est interdépendant : quand une espèce modifie son aire de répartition, ajuste son cycle de reproduction ou adapte son éventail de proies, toutes les autres en subissent les conséquences. C’est l’effet domino : des petites modifications entraînent parfois des bouleversements considérables à petite échelle, qui finiront par se faire sentir à grande échelle.

Cet « effet domino » dont il est question dans l’Atlas du réchauffement climatique est souvent nommé d’une autre façon : l’effet papillon. Cette expression trouve son origine dans les recherches du météorologue américain, Edward Lorenz, dans les années 60. Nicolas Witkowski nous explique la naissance de cette notion lorsque Lorenz, évoquant le graphique obtenu lors de ses travaux sur le comportement de l’atmosphère – « une sorte de huit en trois dimensions où tout le monde vit à l’évidence un superbe papillon » – donna  à l’une de ses conférences en 1972 le titre suivant : « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il déclencher une tornade au Texas ? ». Cette expression eut un succès considérable étant donné la force de la métaphore utilisée, mais elle eut surtout des applications nombreuses en météorologie, climatologie et bien sûr, aujourd’hui, en matière d’environnement, elle trouve tout son sens. Nicolas Witkowski résume avec beaucoup de justesse l’image utilisée par Edward Lorenz :

De la quantité négligeable qu’il était, pur symbole immatériel, le papillon est devenu l’image de l’influence déterminante du moindre de nos gestes sur un environnement en péril.

Les dangers que font courir nos sociétés à la Terre qui nous porte sont multiples. Les changements climatiques sont sans doute parmi les plus imprévisibles et ils concerneront tous les groupes vivants, des papillons aux hommes. Au dix-neuvième siècle, les papillons n’étaient pas encore frappés par les évolutions technologiques. Ils payèrent par contre un lourd tribut à l’entomologie et Alcide d’Orbigny – frère de Charles, cité plus haut – contribua, avec d’autres scientifiques à une gigantesque hécatombe chez les lépidoptères. Il faut donc garder un peu de retenue en contemplant les magnifiques illustrations du Dictionnaire universel d’histoire naturelle. La beauté dissimule parfois beaucoup de laideur…

Alya-Dyn

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Ésope, Phèdre, La Fontaine… et les autres

De tout temps les fables ont eu un grand succès auprès du public, tant il est vrai que ces textes assez courts ont toujours su montrer les aspects les plus variés de la vie. C’est un genre qui ne s’est jamais démodé et qui, d’Ésope jusqu’à nos jours, a toujours inspiré les écrivains. Même si l’on a tendance à ne retenir qu’Ésope et La Fontaine comme les références incontournables dans le monde des fabulistes, il ne faut pas s’imaginer qu’ils sont les seuls. La tradition de la fable est aussi ancienne que l’histoire des hommes et de la parole, comme nous l’explique la définition de Gabriella Parussa dans Le dictionnaire du littéraire :

Par son étymologie (du lat. fari : parler), fable renvoie à tout propos oral ou écrit, à tout récit fictif. La fabulation est l’art d’inventer des histoires, et ces histoires elles-mêmes. C’est pourquoi la fable désigne pour une part le vaste corpus des récits produit par l’art oral ancien et, dans cette acception, le terme s’est spécialisé comme la mise en scène d’animaux, d’êtres inanimés ou d’hommes dans un récit généralement bref qui renferme un enseignement moral, et appelé aussi apologue.

Si La Fontaine et Ésope sont pour tous les plus illustres fabulistes, on peut aussi évoquer dans la tradition latine le nom de Phèdre. Notre bibliothèque possède, dans les magasins de son fonds ancien des textes de ces trois auteurs. Ils sont magnifiquement illustrés comme vous pourrez le découvrir ici. J’ai déjà eu l’occasion de vous parler des Fables de La Fontaine et des remarquables dessins de Gustave Doré de notre fonds précieux. Il convient aujourd’hui d’ajouter à cette référence celle des Fables de Phèdre – n°3716 de notre fonds ancien. Régulièrement, je vous propose de retrouver ces deux ouvrages grâce à leur iconographie et aux textes savoureux qu’elle éclaire. Qu’il s’agisse d’Ésope, de Phèdre ou de La Fontaine, pour un titre identique, les fables ont des similitudes, mais les illustrations sont très différentes, d’abord par l’époque - dix-septième siècle, pour l’ouvrage de Phèdre et dix-neuvième pour les dessins de Gustave Doré – et ensuite par le style.
Afin de débuter notre incursion dans le monde imagé des fables, voici le bref récit qui, chez Ésope, s’appelait De l’accouchement d’une montagne et qui pour Phèdre et La Fontaine est devenue La Montagne qui accouche. Phèdre, en quatre phrases, dit tout :

Une Montagne en mal d’enfant poussait des cris effroyables. Tout le monde s’attendait à un grand événement. Elle accoucha d’une souris.
Ceci te regarde, toi qui fais de grandes promesses, et ne nous donnes rien de bon.

Ici, la fable est proche du proverbe. La définition donnée par Jean Vignes dans Le dictionnaire du littéraire explicite en effet ce mot comme une « forme populaire brève, qui énonce de façon métaphorique une vérité d’expérience ou un conseil de sagesse ». Quand La Fontaine reprend cette thématique, le texte s’étoffe, devient poésie imagée et humoristique :

Une Montagne en mal d’enfant
        Jetait une clameur si haute,
        Que chacun, au bruit accourant,
        Crut qu’elle accoucherait, sans faute,
D’une cité plus grosse que Paris ;
         Elle accoucha d’une souris.
            Quand je songe à cette fable,
            Dont le récit est menteur
            Et le sens est véritable,
            Je me figure un auteur
        Qui dit : « Je chanterai la guerre
Que firent les Titans au Maître du tonnerre.»
C’est promettre beaucoup : mais qu’en sort-il souvent ?
                            Du vent.

Pour nous qui vivons une époque rythmée par la confusion permanente des informations contradictoires ou pléthoriques sur les sujets les plus variés, on ne peut qu’être frappé par l’éternelle vérité de ces deux textes. Comment ne pas songer à tous ces événements qui jalonnent l’actualité du monde et que les médias amplifient le temps d’un scoop pour parfois déboucher sur… du vent.

Alya-Dyn

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