Hunter Stockton Thompson au travail
Pour la première fois en France les éditions Tristram publient l’intégralité des Gonzo Papers, les fameux articles de presse du journaliste-essayiste américain Hunter Stockton Thompson, mieux connu dans son pays sous le nom de Docteur Gonzo.
Les cinq volumes annoncés vont couvrir l’ensemble de la production éditoriale de Thompson, de ses débuts de journaliste amateur à la fin des années 50 sur la base aéronautique où il effectue son service militaire, jusqu’à ses derniers écrits avant qu’il ne se supprime au fusil de chasse. Ces textes sont l’exact reflet de ce qu’était Thompson : un personnage hors-norme, complètement cinglé pour certains, absolument génial pour d’autres, les deux catégories ne s’accordant que sur un point : la lecture frénétique de la prose du docteur Gonzo, rythmant trois décennies de vie américaine trépidante. Thompson était le meilleur chroniqueur de son temps, et sans aucun doute le meilleur journaliste que les Etats-Unis aient compté dans leurs rangs. Néanmoins la recherche du sens de l’american way of life n’ira pas sans poser quelques problèmes au bonhomme. Pour s’en rendre compte il suffit de partir en immersion dans les deux premiers volumes publiés par Tristram, Parano dans le bunker (2010), et Dernier tango à Las Vegas (2010), et se laisser emporter par la prose hallucinée de Thompson. Dans ces deux volumes on assiste à la naissance d’une manière inédite de faire du journalisme, le narrateur n’ayant aucun souci de l’objectivité des faits, mais bien plutôt l’envie de faire partager ses moindres émotions, et son état d’esprit du moment, au lecteur-spectateur, qui débute la lecture du texte comme on prend place dans un wagon de grand huit. En fin de compte seules les émotions ressenties ont du sens, et l’ardeur qu’on met à noircir cela sur le papier, bien imbibé, bien torpillé par tout un tas de stupéfiants puissants, va amener le texte vers un état paroxystique, qui n’a plus rien de journalistique, mais ressemble bel et bien à de la littérature, et de la meilleure.
C’est le style Gonzo, imité depuis par une flopée de littérateurs de tous poils, évidemment jamais égalé.
Précipitez-vous sur les deux premiers volumes déjà parus, en accès libre à la bibliothèque, vous n’en reviendrez pas.
Marcellien.