Du sublime, traité anonyme, éd. Les Belles Lettres.
En un mot, adopte cette règle : une chose est véritablement sublime qui plaît toujours et à tous les hommes. Quand donc, malgré la diversité des occupations, du genre de vie, des goûts, des âges et des idiomes, tout le monde porte en même temps un jugement unanime sur une et même chose, alors cette concordance dans l’appréciation et dans l’approbation, chez des gens qui n’agissent pas de concert, confère à l’objet de l’admiration une garantie solide et incontestable.
Près de deux mille ans après son écriture par un philosophe stoïcien anonyme, le traité philosophique Du sublime interroge notre temps avec une hauteur de vue et une lucidité jamais mises en défaut. S’adressant vraisemblablement à un de ses amis, homme politique influent dont il est bon, fructueux, d’aiguiser le sens moral, le narrateur du traité expose les fondements nécessaires à la résolution de la question : qu’est-ce que le sublime ?
Puisant aux meilleures sources (Platon, Démosthène, Xénophon) l’auteur construit son argumentaire par paliers, avec les outils grammaticaux et stylistiques de la meilleure tradition stoïcienne. L’accès à la connaissance et au suprême bien (la notion d’entendement et de raison raisonnante) explicitée depuis plusieurs siècles par Socrate, Platon, Aristote, Origène, … se fait progressivement ; et à chaque étape un nouveau seuil se dévoile à la conscience. En étudiant de près la constitution et la permanence des êtres et des choses, la physis originelle se double aussi d’une méta-physis qui conjugue le grand mystère de l’existence humaine à celui de la compréhension médiate des facteurs de « vivre » et de « mourir ». Ce long escarpement vers le but ultime de la sophia pérenne, immuable, songe en creux d’une inaccessibilité proverbiale, invite aussi au renoncement des affects médiocres ou usurpés.
C’est à cet exercice que nous invite l’écrivain anonyme qui rédigea ce traité dans la deuxième moitié du premier siècle de notre ère. Un traité plus que jamais indispensable aujourd’hui, devant la déferlante d’images et d’informations contradictoires, vidées de toute substance ; incompréhensibles sans la médiation indispensable de la raison pratique chère à Emmanuel Kant.
Du sublime est à savourer à n’importe quel moment, en consultation sur place, dans la grande salle d’étude.
Marcellien